Elles dansent les jeunes filles, elles dansent. Leur corps est souple, léger, on dirait de petites plumes qui s'envolent dans le ciel. Derrière la vitrine fumée, je les regarde. Elles sont belles. Soudain, l'une d'elles, sort de la pièce et me regarde, elle me sourit puis s'en va. Moi, je reste là, je les regarde toujours et encore, je ne me lasse pas, je suis parfaitement détendue. Puis, soudain la jeune fille toute menue, toute fluette revient. Elle s'arrête à ma hauteur et me dit :
- Tu aimes la danse ?
Alors je la regarde et je lui dit :
- Oh oui, bien sûr que je l'aime !
Elle me réponde :
- Alors, vient suis moi !
Etonnée par sa réponse je lui dit :
- Mais, je ne peux pas danser avec vous, c'est impossible ! Tu m'as bien regarder ? Tu as vu comme je suis ?
- Oui bien sûr que j'ai vu et alors ? Qu'est ce qu'il y a de mal à vouloir danser ?
- Qu'est-ce qu'il y a de mal ? il y a ce fichu fauteuil, il me gêne, il me dérange.
- Toi, il te gêne, il te dérange, mais moi ne t'inquiète pas, je vais m'en arranger. Allez cesse de bavarder et viens !
C'est ainsi que je suivis la jeune fille à l'intérieur de la salle. J'étais heureuse, très heureuse.
- Maintenant avant de faire quoi que ce soit, regarde !
Et elles se mirent à danser comme tout à l'heure, quel plaisir !
C'était une musique calme et douce, magnifique ! J'étais ébahis ! A la fin, je me mis à applaudir à tout rompre, mais l'une des filles me demanda la silence, la musique allait reprendre. Et la surprise, je vis quatre jeunes gens, se mettre en ligne sur le parquet, là juste devant moi. Ces personnes étaient toutes comme moi "dans ce fichu fauteuil roulant". Les petites puces étaient là, accompagnées de leurs professeurs, deux femmes une toute fine et maigrelette, pareil aux petites danseuses. L'autre était très petite et toute ronde. Le tout était très harmonieux.
Soudain l'un des deux professeurs cria :
- Musique !
Et là, s'était un émerveillement, les corps valides et invalides dansaient ensembles, chacun à leur place, certes mais ils dansaient. Je ne dis plus un mot, je ne pouvais pas. Ils dansaient tous ensembles sur un rythme endiablé, mais ne me demander pas lequel je ne m'en souviens plus, je crois qu'il s'agissait de T-RIO, "les 5 sens", mais je n'en suis pas certaine. Tant pis, de toutes façons ce n'est pas important. Cela partait à cent à l'heure. Pas le temps de voir le temps passé. Puis soudain tout se calma, tout était paisible. Encore une fois je me mis à applaudir. Et encore une fois, un peu énervée, la petite puce me demanda de me taire :
- Ca suffit maintenant, tu n'es pas capable de te tenir correctement pendant un long moment ?
- Mais...
- Silence, il n'y a pas de mais qui tienne. Si tu veux appartenir à notre "corps" il va falloir que tu te tiennes !
Là, c'est certain, j'étais allée trop loin. Il fallait que je me taise si je voulais un jour approché mon rêve.
Fâchée la petite fille cria :
- Allons, jeune gens reprenons !
Et là d'autres danseurs valides ou non firent leur apparition, ils se placèrent au milieu de la salle, inscrire un cercle presque parfait. Les personnes en fauteuil à l'intérieur étaient réunies dans un premier cercle, les personnes valides, elles, formaient un second cercle, enfin une autre personne, l'un des professeur, se plaça au milieu de ce dernier. La mise en scène était parfaite. Ce qui révélait quelque chose de magique. Et les premiers pas, les premières mesures se firent et là, aucune déception. Valides et invalides dansèrent en une union parfaite. On aurait une pieuvre aux milles et unes tentacules. Puis doucement ils se séparèrent pour vivre chacun à son rythme sa vie. La tête de la pieuvre se leva et alla chercher chacun des bras tentatculaires pour danser quelques instants avec eux puis soudain la tête repris sa place et là une fois encore comme un unique corps, ils dansèrent ensembles sur le rythme doux d'un va et vient de la mer, une dernière fois la tête de la pieuvre, le coeur du soleil reprit sa place, une dernière fois le corps du ballet dansaient à l'unisson, puis quand la musique ralentit encore un peu plus, quand elle n'était plus qu'un doux remous et lent de vague, je vis les corps se balancer d'avant en arrière, de droit et de gauche, en un seul battement, celui d'un coeur énorme, le coeur de l'unisson, leur de l'indifférence. Un coeur qui bat.
Moi, j'étais toujours dans le fond de la salle, les petits rats, les professeurs, valides et invalides firent un pas vers moi et me saluèrent. Là, un des professeurs vint vers moi et me dit :
- Alors, tu ne veux toujours pas intégrer notre corps ?
- Euh, je ne sais pas, je ne suis pas à la hauteur.
- Silence maintenant et viens ! Tu sais que parmi nous, il y a des personnes qui dansent depuis peu ?
Alors, je me tus et je l'ai suivis et aujourd'hui encore comme un seul corps nous dansons.
Cette histoire que je viens d'écrire est mon histoire celle de mes débuts en danse. Aujourd'hui 5 ans après je danse encore et j'en suis heureuse.